vendredi 31 mars 2017

Les Deux Visages Du Docteur Jekyll - Terence Fisher – 1960





Etonnant de constater que ce film ne soit pas devenu un classique de la Hammer et du cinéma d’épouvante tout court, à l’instar d’un «  cauchemar de Dracula » ou du « Dr Jekyll et Mr Hyde » de Rouben Mamoulian (1931). Est-ce dû à l’absence d’un vrai monstre n’ayant pas apparence humaine ? A l’absence de sang à l’écran qui caractérise souvent les films d’horreur de la Hammer ? A la volonté de ne point montrer la transformation «  graphique » de Jekyll en Hyde ?

Peut-être. Toujours est-il que l’adaptation du roman de Stevenson par Terence Fisher est étonnante à plus d’un titre. La profondeur psychologique du personnage Jekyll/Hyde rend justice à celle imaginée par l’écrivain écossais, bien loin de la caricature visible dans les autres adaptations.
Le plus étonnant et qui donne une bonne part de son sel au métrage est d’avoir osé inverser la représentation de la double identité. Jekyll est un être mal à l’aise en société, laid, avec une voix gutturale et que sa femme trompe. A l’inverse Hyde est un bel homme, plein d’esprit, à l’aise en société (tout le contraire donc de l’imagerie du roman où Hyde est physiquement un monstre). Ce dernier, conscient de sa classe et de son «  pouvoir » va prendre littéralement ce qui lui fait envie (l’argent, la drogue, les femmes).
Hyde est (comme dans le récit) un monstre, mais un monstre uniquement moral, poussé par son instinct, semblant retourner petit à petit à la barbarie la plus crasse et finalement prendre le dessus sur le pauvre Dr Jekyll.



Si le thème principal est le dédoublement de la personnalité culminant par moments jusqu’au trouble de la personnalité multiple (plusieurs personnes prenant tout à tour le contrôle du sujet) ; cette matrice permet aussi de mettre en avant l’immense hypocrisie sociale et morale caractéristique de l’époque Victorienne. Fisher ne se prive évidemment pas de nous la montrer, parsemant son film de multiples références subtiles à la sexualité (dans les dialogues notamment ou dans la scène avec la charmeuse de serpents prenant l’animal dans sa bouche à la manière de vous savez quoi. Symbole phallique quand tu nous tiens !).
Le réalisateur peut s’appuyer sur la grande performance d’acteur de Paul Massie, impeccable dans les deux rôles du docteur et de son double maléfique. Les deux autres acteurs principaux n’étant pas en reste, Christopher Lee est assez irrésistible en dépravé mondain (probablement un de ses meilleurs rôles), quant à Dawn Adams elle est tout simplement craquante en femme/maîtresse digne de la marquise de Merteuil des « liaisons dangereuses ».

Chroniques d'ici ou d'ailleurs : 





mercredi 29 mars 2017

The Crow - Alex Proyas - 1994


La mort du fils caché de Bruce et Spike Lee permet à cette navrante histoire pour adolescentes pré-pubères gothiques de faire à croire qu'il s'agit d'un film culte. 

Donnerait plutôt des acidités gastriques à un corbeau leucémique.

mardi 28 mars 2017

Lucky Luciano - Francesco Rossi - 1973







Port de New York en 1946, le boss de la mafia Lucky Luciano arrêté en 1936 et condamné à une peine minimum de 30 ans est expulsé des Etats Unis direction l’Italie. Cette grâce lui étant rendue pour ses « services rendus pendant la guerre » contre les agents nazis infiltrés aux USA. Avant de quitter l’Amérique il organise une fête somptueuse à bord du navire à quai. Tout d’abord il se rend en Sicile dans son village natal, puis Naples où il s’installera. Le policier du narco trafics Charles Segura s’insurge contre cette libération et tentera par tous les moyens d’arrêter le mafieux qui depuis Naples a développé le trafic d’héroïne entre l’Europe et les Etats-Unis.

Autant le dire, mieux vaut avoir une bonne connaissance de l’Histoire de l’Italie, de la mafia et des relations plus que troubles entre cette dernière et la politique étatsunienne pendant et après la seconde guerre mondiale, si l’on veut apprécier pleinement ce film.
En effet, Francesco Rossi part du principe que le spectateur connait cela et mise, dès lors sur l’intelligence de ce dernier qui sera à même de combler l’absence récurrente de contextualisation des séquences de son film.




Volontairement elliptique et non-linéaire, multipliant les allers-retours temporels, on passe, en effet, d’une scène se déroulant dans les années 30 et une autre dans les années 60, puis dans les années 50 et ce dans un ordre qui peut sembler aléatoire
Semble seulement, car la volonté du réalisateur est, semble-t-il, non pas de faire une biographie de Luciano à la façon de ce qu’aurait pu faire un Scorcese par exemple, mais plutôt de montrer ce qu’est réellement la mafia en tant que « maladie sociale » d’une société où tous les membres ne sont que des rouages remplaçables par d’autres, une fois ceux-ci usés ou morts. Luciano, bien que tout en haut de la pyramide, ne faisant pas exception à la règle. C’est peut-être pourquoi Gian Maria Volonte joue son personnage de manière si « terne », si « lisse », comme un robot sans humanité véritable.
Un des trois et quatre meilleurs films sur la mafia, selon moi. Passionnant.