Etonnant
de constater que ce film ne soit pas devenu un classique de la Hammer
et du cinéma d’épouvante tout court, à l’instar d’un «
cauchemar de Dracula » ou du « Dr Jekyll et Mr
Hyde » de Rouben Mamoulian (1931). Est-ce dû à l’absence
d’un vrai monstre n’ayant pas apparence humaine ? A
l’absence de sang à l’écran qui caractérise souvent les films
d’horreur de la Hammer ? A la volonté de ne point montrer la
transformation « graphique » de Jekyll en Hyde ?
Peut-être.
Toujours est-il que l’adaptation du roman de Stevenson par Terence
Fisher est étonnante à plus d’un titre. La profondeur
psychologique du personnage Jekyll/Hyde rend justice à celle
imaginée par l’écrivain écossais, bien loin de la caricature
visible dans les autres adaptations.
Le plus
étonnant et qui donne une bonne part de son sel au métrage est
d’avoir osé inverser la représentation de la double identité.
Jekyll est un être mal à l’aise en société, laid, avec une voix
gutturale et que sa femme trompe. A l’inverse Hyde est un bel
homme, plein d’esprit, à l’aise en société (tout le contraire
donc de l’imagerie du roman où Hyde est physiquement un monstre).
Ce dernier, conscient de sa classe et de son « pouvoir » va
prendre littéralement ce qui lui fait envie (l’argent, la drogue,
les femmes).
Hyde
est (comme dans le récit) un monstre, mais un monstre uniquement
moral, poussé par son instinct, semblant retourner petit à petit à
la barbarie la plus crasse et finalement prendre le dessus sur le
pauvre Dr Jekyll.
Si le
thème principal est le dédoublement de la personnalité culminant
par moments jusqu’au trouble de la personnalité multiple
(plusieurs personnes prenant tout à tour le contrôle du sujet) ;
cette matrice permet aussi de mettre en avant l’immense hypocrisie
sociale et morale caractéristique de l’époque Victorienne. Fisher
ne se prive évidemment pas de nous la montrer, parsemant son film de
multiples références subtiles à la sexualité (dans les dialogues
notamment ou dans la scène avec la charmeuse de serpents prenant
l’animal dans sa bouche à la manière de vous savez quoi. Symbole
phallique quand tu nous tiens !).
Le
réalisateur peut s’appuyer sur la grande performance d’acteur
de Paul Massie, impeccable dans les deux rôles du docteur et de son
double maléfique. Les deux autres acteurs principaux n’étant pas
en reste, Christopher Lee est assez irrésistible en dépravé
mondain (probablement un de ses meilleurs rôles), quant à Dawn
Adams elle est tout simplement craquante en femme/maîtresse digne de
la marquise de Merteuil des « liaisons dangereuses ».
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