jeudi 24 novembre 2016

Profondo Rosso - Les Frissons de l'Angoisse - Dario Argento - 1975


Cela faisait de longues années que je n'avais pas revu ce film et l’honnêteté intellectuelle qui me caractérise ( pardon?) m'oblige à dire qu'il s’avère encore meilleur que dans mon souvenir,

En fait , il s'agit d'une petite merveille qui comme tous les films de Dario Argento ( au moins ceux des deux première décennies c'est à dire ses grands films) peuvent se lire à un double niveau, « populaire » et « intellectuel.

Au premier niveau il y a l'intrigue en elle-même , à savoir un savoureux giallo avec ce qu'il faut de codes propres au genre. Tueur ganté, fétichisation ( magnifiques séquences en gros plans des armes du meurtrier), couteau à évocation phallique, trauma issu de l'enfance, mise en scène des meurtres superbement graphiques et pervers à souhaits ( quelle inventivité tout de même!). On n'oubliera pas de sitôt la séquence avec l'automate par exemple. Un vrai choc esthétique !

A cela s'ajoute bien évidemment l'enquête proprement dite afin de découvrir le coupable de ces assassinats, rondement mené avec ce qu'il faut de coups de théâtre, de retournement de situations ( notamment à la fin avec ce que l'on appelait pas encore un « twist »), une musique à base de ritournelles du groupe les Goblins proprement inoubliable.

Bref, tout ce qui fait que l'on aime les gialli de ces années-là, avec en plus ici la maestria de la mise en scène, des éclairages, de la musique et de la photographie.

S'il n'y avais que cela « Profondo Rosso » (oublions le titres français d'une imbécillité crasse) sera déjà un très bon film, mais il y a autre chose…

Et c'est cet autre chose qui fait de ce long-métrage et dans l'absolu de son réalisateur, selon moi, une œuvre splendide et définitivement unique (ou presque) dans le paysage cinématographique, c'est ce que l'on ressent, ce que l'on ne voit pas forcément mais qui pourtant est là, en creux, dans les interstices, presque dans le subconscient.



Car « Profondo Rosso » est un film que l'on pourrait qualifier de métaphysique, rien de moins,
Et j'en vois déjà qui parte dans le fond ! Revenez ! Métaphysique n'est pas un gros mot !
C'est la connaissance du monde, des choses ou des processus en tant qu'ils existeraient au-delà de l'expérience quotidienne de ce que l'on voit ou que l'on ressent.

Tout dans le film respire la volonté de faire de son œuvre une expérience baroque et surtout métaphysique. De ses décors renvoyant à un certain De Chirico, peintre métaphysique s'il en fut (cf. le Blue Bar où se croise deux des protagonistes du film), au fait que le film se passe à Turin et son architecture au forme gigantesque, ville qui abrita les plus grands alchimistes et aussi la ville de la magie noire en son temps.
Et puis, il y a surtout et avant tout sur la question qui transpire dans le film, à savoir « Qu'est ce que la vérité et qu'est ce que le réel « , ce qui est, finalement, la question fondamentale de la métaphysique et celle de l’œuvre d'Argento.

Or, le plan final très énigmatique participe de cela. On y voit le reflet de David Hemmings, une fois le meurtrier mort décapité, se mirant dans une immense flaque de sang. Pourquoi donc ? Etrange fin non ?

En fait, il me semble (ou alors j'ai trop abusé du substances illicites), que c'est juste une manière de dire que la quête du personnage principal n'était pas celle de découvrir qui est l'assassin, mais de découvrir ce qu'il pouvait bien y avoir « au déla du monde, au-delà du « réel » que l'on perçoit ». Et ce qu'il découvre c'est son propre reflet, donc que sa quête n'avait d'autre but que de se chercher lui-même et par la même que la quête de ce qui est réel ou de la verité n'a pas de sens. Qu'au terme de toutes les recherches, de toutes les difficultés, au bout du monde en quelque sorte il n'y a finalement que soi que l'on recherche.


Déprimant. Mais le film est une merveille !

Quelques chroniques ici ou là :

http://www.psychovision.net/films/critiques/fiche/351-frissons-de-langoisse-les

http://www.horreur.com/index.php?q=node/2332