samedi 31 décembre 2016

Keoma - Enzo G. Castellari - 1976





Après la guerre de Sécession, Keoma, un métis d’origine indienne, retourne à Skiddo, son village natal. Là, Caldwell, un ancien officier sudiste, fait régner l’ordre. Lui et sa bande se sont approprié toutes les terres des paysans. Comme si cela ne suffisait pas, la peste sévit dans la petite ville. Le jour de son arrivée, Keoma surprend des hommes de Cadwell abattant des pestiférés comme des pigeons. Armé de son fusil à double canon scié, il intervient et sauve une femme du massacre…


Ce film noir, presque atroce, d’Enzo Castellari, est une parabole exemplaire du juste, un hymne à la souffrance. L’ultime coup du cinéaste et du western italien qui va alors mourir de sa belle mort après plus de dix années qui l’ont vu conquérir le monde.

En effet, avec ce film s’achève ou presque l’ère du western italien, la force de l’idéologie qui sous-tend la plupart de ces films, les références historiques qui les parsèment et l’esthétique si particulière qui les engendre, inspirée du baroque et de l’enflure sera alors repris jusqu’à nos jours par quantités de cinéastes.


Un homme seul, désespéré. Dans un village de boue, de pluie et de sang que la peste ravage, hostile, irrémédiablement. Keoma, l’indien, est privé désormais de ses trop faibles appuis : un musicien noir, un vieux père adoptif, une femme qui attend un enfant. Tous trois ont péri ou vont disparaître. Tel est le thème de Keoma, exemplaire parabole du juste que vont crucifier ses frères et dont l’univers, depuis qu’il est né, n’est fait que de souffrances, de haine et d’humiliation.



e Christ à nouveau crucifié, mutilé, humilié, se doit de souffrir pour que la vengeance s’accomplisse, la sienne et celle de tous les opprimés, les innocents que la mort a frappés : villageois asservis, femmes meurtries, Noirs, métis ou indiens soumis à l’esclavage et à la violence aveugle. On comprend mieux, dès lors ce cérémonial sanglant qu’est le western italien, ce rituel de la souffrance qui le fait ressembler à certaines cérémonies païennes.


Il n’est question que de souffrances dans Keoma, mais une souffrance nécessaire : le monde est injuste, cruel, nous dit le film, seul un nouveau Messie pourrait le racheter. Mais si Keoma est, lui aussi, brimé, frappé, mutilé par ses frères, s’il cherche son père, s’il vient en aide aux faibles et aux opprimés, il n’y a en lui nul désir de pardon, nulle paix, nul espoir. La mort est sur ce chemin de croix. Pour les autres, amis et ennemis, certes, mais surtout pour lui qui s’en va, abandonnant la seule lueur d’espérance de ce monde perdu : un enfant – dont la naissance a causé la mort de sa mère.

Magnifique.

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