Lulu Massa est un ouvrier consciencieux
et acharné au travail. Employé des usines BAN, il est haï par ses
collègues auxquels, par son zèle, il impose des cadences
infernales. Il n'est guère plus apprécié des syndicats. Lorsque,
par manque de précaution, Lulu provoque un accident du travail qui
lui fait perdre un doigt, ses revendications sociales changent
subitement. Bientôt à la tête d'un mouvement de rébellion
ouvrière, il s'allie à des étudiants gauchistes et se retrouve
mêlé à une manifestation d'ampleur. Mis à pied, Lulu lutte tant
bien que mal contre la folie qui le gagne.
De l'aliénation d'un ouvrier par son
travail et sa machine qui, à la suite d'un accident, prend
conscience de sa servitude volontaire et de son état de quasi
esclave.
Au départ, Lulu n'a aucune forme de
réflexion, il fait juste ce qu'on lui demande, il travaille comme un
stakhanoviste afin de gagner un peu plus que sa maigre pitance et
avec s'acheter des conneries qui ne servent à rien (soit ce que font
la plupart des gens, non?),
Du coup, il est tellement abruti par sa
tâche qu'il ne peut que, le soir, regarder la télévision (autre
facteur majeur de l'aliénation des masses) , dormir et n'arrive même
plus à faire l'amour à sa compagne ( qui est pourtant fort
désirable). Bref, il a une vie de merde mais il ne s'en rend pas
compte et en est même plutôt satisfait et fier. Il pense que ses
collègues de travail sont jaloux de lui, il n'entend ni les
syndicats réformateurs, ni les étudiants révolutionnaires qui
l'exhortent à regarder la réalité en face, ni les manœuvres de
la direction afin que les ouvriers augmentent encore et toujours la
productivité. Et puis, survint le drame, il se coupe un doigt dans
sa machine et prend conscience de son aliénation et de la condition
de la classe ouvrière.
Dis comme ça, on pourrait s'attendre à
une œuvre qui frôle le parcours initiatique à tendance Marxiste,
avec cet ouvrier qui brise enfin ses chaînes et va latter du
bourgeois et du patronat pour enfin, comme le dit le titre, accéder
au paradis.
Sauf qu'Elio Petri, grand réalisateur
très, trop méconnu de nos jours, livre un constat amer mais juste
que les choses sont bien plus compliqués et qu'il ne suffit pas de
prendre conscience de ses problèmes pour les résoudre. Pire !
Mieux vaudrait finalement rester ignorant, « bienheureux les
simples d'esprit » en quelque sorte.
En effet, après un parcours qui va le
mener à se battre, à être virer, puis réintégrer dans l'usine,
il n'aura fait finalement que tourner en rond et sera revenu à son
point de départ, avec en plus la connaissance lucide de son état.
Horrible. La vision d'Elio Petri est d'un pessimisme total.
La séquence finale résume,
d'ailleurs, le propos, lorsque Massa raconte un rêve qui a valeur de
métaphore . Dans ce dernier, il se retrouve, lui et ses
Camarades au pied d'un mur qu'on les empêche de franchir et
derrière lequel se trouve, ni plus ni moins, que le paradis !
Ils parviennent à faire tomber le mur
et se retrouve dans le brouillard. Puis peu à peu celui-ci se lève
et ils finissent par tomber sur eux-mêmes ! De quoi ouvrir le
gaz !
Certes les conditions de travail se
sont souvent améliorer dans nos contrées ( mais elles existent
encore ailleurs), néanmoins l'aliénation à un travail répétitif,
vain et qui n'a d'autres buts que de créer de la richesse pour ceux
qui détiennent les moyens de production et les actionnaires
restent , malheureusement, plus que jamais d'actualités.
Travailleurs , Travailleuses, on vous
ment, on vous spolient !
Donnez vous la main, bordel de Dieu !
Un film formidable.