mardi 20 décembre 2016

La Classe Ouvrière va au Paradis - La Classe Operaia Va in Paradiso - Elio Petri - 1971






Lulu Massa est un ouvrier consciencieux et acharné au travail. Employé des usines BAN, il est haï par ses collègues auxquels, par son zèle, il impose des cadences infernales. Il n'est guère plus apprécié des syndicats. Lorsque, par manque de précaution, Lulu provoque un accident du travail qui lui fait perdre un doigt, ses revendications sociales changent subitement. Bientôt à la tête d'un mouvement de rébellion ouvrière, il s'allie à des étudiants gauchistes et se retrouve mêlé à une manifestation d'ampleur. Mis à pied, Lulu lutte tant bien que mal contre la folie qui le gagne.

De l'aliénation d'un ouvrier par son travail et sa machine qui, à la suite d'un accident, prend conscience de sa servitude volontaire et de son état de quasi esclave.

Au départ, Lulu n'a aucune forme de réflexion, il fait juste ce qu'on lui demande, il travaille comme un stakhanoviste afin de gagner un peu plus que sa maigre pitance et avec s'acheter des conneries qui ne servent à rien (soit ce que font la plupart des gens, non?),
Du coup, il est tellement abruti par sa tâche qu'il ne peut que, le soir, regarder la télévision (autre facteur majeur de l'aliénation des masses) , dormir et n'arrive même plus à faire l'amour à sa compagne ( qui est pourtant fort désirable). Bref, il a une vie de merde mais il ne s'en rend pas compte et en est même plutôt satisfait et fier. Il pense que ses collègues de travail sont jaloux de lui, il n'entend ni les syndicats réformateurs, ni les étudiants révolutionnaires qui l'exhortent à regarder la réalité en face, ni les manœuvres de la direction afin que les ouvriers augmentent encore et toujours la productivité. Et puis, survint le drame, il se coupe un doigt dans sa machine et prend conscience de son aliénation et de la condition de la classe ouvrière.

Dis comme ça, on pourrait s'attendre à une œuvre qui frôle le parcours initiatique à tendance Marxiste, avec cet ouvrier qui brise enfin ses chaînes et va latter du bourgeois et du patronat pour enfin, comme le dit le titre, accéder au paradis.



Sauf qu'Elio Petri, grand réalisateur très, trop méconnu de nos jours, livre un constat amer mais juste que les choses sont bien plus compliqués et qu'il ne suffit pas de prendre conscience de ses problèmes pour les résoudre. Pire ! Mieux vaudrait finalement rester ignorant, « bienheureux les simples d'esprit » en quelque sorte.
En effet, après un parcours qui va le mener à se battre, à être virer, puis réintégrer dans l'usine, il n'aura fait finalement que tourner en rond et sera revenu à son point de départ, avec en plus la connaissance lucide de son état. Horrible. La vision d'Elio Petri est d'un pessimisme total.

La séquence finale résume, d'ailleurs, le propos, lorsque Massa raconte un rêve qui a valeur de métaphore . Dans ce dernier, il se retrouve, lui et ses Camarades au pied d'un mur qu'on les empêche de franchir et derrière lequel se trouve, ni plus ni moins, que le paradis !
Ils parviennent à faire tomber le mur et se retrouve dans le brouillard. Puis peu à peu celui-ci se lève et ils finissent par tomber sur eux-mêmes ! De quoi ouvrir le gaz !

Certes les conditions de travail se sont souvent améliorer dans nos contrées ( mais elles existent encore ailleurs), néanmoins l'aliénation à un travail répétitif, vain et qui n'a d'autres buts que de créer de la richesse pour ceux qui détiennent les moyens de production et les actionnaires restent , malheureusement, plus que jamais d'actualités.
Travailleurs , Travailleuses, on vous ment, on vous spolient !
Donnez vous la main, bordel de Dieu !

Un film formidable.