dimanche 14 mars 2021

L'Au-delà (E tu vivrai nel terrore - L'aldilà) - Lucio Fulci - 1981

 




37 ème film de Lucio Fulci. Sur un scénario confus qui semble n’être qu’une suite de séquences plus ou moins logiquement reliées entre-elles, une direction d’acteurs laissant parfois à désirer, le réalisateur italien offre au film de genre un de ses films les plus emblématiques, par sa vision unique de la vie, de la mort, du destin

Dès les premières images, le ton est donné et le meurtre du peintre, brûlé à la chaux puis crucifié et enterré vivant tout de même, est filmé sans concession, dans une superbe photographie au ton jauni et vieilli. Le reste du film pourrait alors n'être qu'un enchaînement de morts toutes plus horribles les unes que les autres... Mais quel enchaînement ! Énucléation, boîte crânienne défoncée , visage liquéfié par de l'acide, attaque d'araignées mangeuses de langue, tripailles fumantes, crucifixion, brûlures à tous les degrés et autres joyeusetés dégoulinantes !

Mais réduire uniquement ce film à un concerto pour barbaques et bouchers serait faire insulte au talent de Lucio Fulci et faire montre d’une vision étroite, en rabaissant « l’Au-delà « au rang de vulgaire film Z teuton.

Car « l'Au-Delà « reste avant tout un film d'horreur d'une force plastique sidérante, où l'onirisme le dispute au surréalisme dans une atmosphère baroque magnifiquement mise en image. Cette espèce de long rêve macabre métamorphosant l'esthétique du Gore en véritable poésie de l'atroce symbolise la quintessence de l'horreur à l'italienne, en y ajoutant de surcroît un nihilisme d’un effroyable lucidité toute Fulcienne.

En effet, chez Fulci rien de bon n’attend les héros qui ont beau se démener dans tous les sens, chercher des réponses, leurs destins semblent déjà tracés comme dans un gigantesque Ruban de Moebius, ils sont condamnés par avance. Empruntant et détournant la prédestination Calviniste, Fulci en fait l’instrument cynique de la mort pour envoyer dans les enfers toutes créatures humaines bonnes ou mauvaises.

Ce qui nous vaudra l’une des scènes finales parmi les plus belles de l'histoire du cinéma de genre : l'enfer vu par Fulci ou quand la représentation picturale du lieu des damnés par un peintre prend vie pour symboliser toute l’horreur du lieu. Quelle splendide et terrifiante allégorie de la faucheuse ! renvoyant autant au tableau d’un Francis Bacon, qu’au mythe Sisifien de l’éternel recommencement.

La photographie de Sergio Salvati ( un habitué des films de Fulci qui a collaboré avec lui sur ses meilleurs films tels que Frayeurs, Le chat noir, La maison près du cimetière, L’enfer des zombies, l’emmurée vivante ) est magistrale et donne corps à cette ambiance poisseuse, la scène d’ouverture est d’une beauté macabre et d’une violence à couper le souffle.

Nombreux n'y verront qu'une série B d'exploitation ultra Gore nantie d'un scénario aussi rachitique qu'invraisemblable, d'effets spéciaux dépassés, d'un tempo trop lent et d'une direction d'acteurs laissant un tantinet à désirer. Si l'on peut comprendre une telle réaction de la part d'un spectateur hermétique au cinéma de genre « old school », il est néanmoins intéressant de parvenir à passer outre les maladresses de L'Au-Delà, afin de constater à quel point la virtuosité formelle peut être atteinte par donner une ambiance lourde, troublante et morbide qui suinte à travers ce grand tableau d'horreur animé, que l’on croirait par moment sorti de l’univers de Lovecraft ( par son côté sale et intemporel )


Un chef d’oeuvre de poésie macabre rythmé au son de la musique terrifiante de Fabio Frizzi ( lui aussi un habitué »qui fait corps avec le métrage, qui emporte et submerge le spectateur

Intemporel, inoubliable, pour peu que l’on fasse l’effort de se laisser immerger par l’histoire et que l’on ne se pâme pas devant le moindre CGI blockbusteriens sans âme.

Jamais la hantise de la mort et la déchéance des corps n'auront été aussi bien filmés.


Chroniques d'ici ou d'ailleurs :

https://www.psychovision.net/films/critiques/fiche/220-au-dela-l

https://www.devildead.com/review/1378/au-dela-l-l-aldila